Je m’appelle Soraya, j’ai eu 45 ans il y a deux jours. Une belle fête, avec tous mes amis, ma famille. 40 ans je n’arrive pas à y croire, c’est comme si hier j’avais encore 15 ans, je me revois, adolescente rebelle au lycée. Et aujourd’hui je suis à la tête de la première firme de cosmétiques africaine, implantée à Dakar, je n’en suis pas peu fière ! Cette entreprise, c’est mon joyau, je l’ai bâtie de mes mains et d’une petite PME que personne ne connaissait, Black Is Gorgeous (BIG) est aujourd’hui devenue une multinationale de renommée mondiale.
Le cadre photo qui était sur mon bureau attira mon attention. Je le soulevais, j’aimais beaucoup cette photo. Elle avait été prise dans un parc, lors d’une après-midi ensoleillée. Abdel, mon mari était assis sur l’herbe souriant et tenait Amla notre petite fille dans ses bras. Tout était tellement simple à cette époque. Nous étions tellement heureux.
Le temps était passé trop vite, ma petite puce était grande maintenant elle avait quitté la maison, pour aller étudier à Londres. Entre Abdel et moi, rien n’allait plus. Cela ne datait pas d’hier, la situation s’était dégradée au fil du temps sans que je ne m’en rende compte. Aujourd’hui nous étions pratiquement devenus des étrangers l’un pour l’autre à mon grand désespoir. Quand Amla était encore à la maison, nous essayions de sauver les apparences, mais depuis son départ…
Je sentais une boule monter à ma gorge, il fallait que je me ressaisisse. Ce n’était pas le moment de craquer. La sonnerie stridente du téléphone m’arracha à mes pensées.
- Oui ? répondis-je
- Les candidats sont arrivés et le staff des ressources humaines vous attend dans la salle de conférence.
- Merci Anta, Vous êtes sure que vous voulez vraiment partir à la retraite ? si vous restiez ça m’éviterais cette session de recrutement.
- Madame Ba, Vous savez que j’ai vraiment adoré travailler pour vous, mais il faut que je laisse la place aux jeunes, je suis un peu rouillée !
- Vous parlez déjà de notre collaboration au passé, je n’ai plus aucune chance de vous retenir
- Je ne pense pas non !
- Je n’ai plus qu’à y aller.
Ah Anta ! Cette femme était mon ange gardien depuis tellement longtemps, je n’arrivais pas à réaliser que d’ici la fin de la semaine, elle ne serait plus là. Le temps passait vraiment trop vite…
Je me levais, pour jeter un dernier coup d’œil à ma tenue ! Un tailleur cintré strict, un maquillage discret, un chignon bas. Je n’étais plutôt pas mal pour mon âge, quand je me baladais en jean avec ma fille on nous prenait pour des sœurs ce qui était plutôt flatteur. Saisissant le dossier concernant les candidats je me dirigeais d’un pas déterminé vers la salle de conférence.
Il était 11heures et je m’ennuyais terriblement. Tous les candidats étaient aussi dénués de personnalité et d’ambition les uns que les autres, les femmes cherchaient à savoir si elles pourraient bénéficier de réductions sur les produits et les hommes semblait ne même pas avoir pris le temps de se renseigner sur la boîte. A mon époque, les entretiens se préparaient, heureusement ils ne restait plus qu’un seul candidat.
Je regardais furtivement son CV, Anta l’annonca et ce dernier fit son entrée. Quelques secondes passèrent sans que personne ne bronche.Je levais les yeux et je compris pourquoi. L’homme qui venait d’entrer aurait pu faire la couverture des magasines de mode. C’était un apollon, on aurait dit que Dieu avait pris une journée spéciale entièrement dédiée à sa création. Il était grand, musclé, les traits fins , un regard malicieux, un sourire en coin ravageur. Je jetais un coup d’œil à Alima et Soukeyna, les chargées de recrutement , elles étaient bouche bée, les yeux écarquillés comme si elles avaient vu un fantôme , il fallait que je prenne les choses en mains.
- Mr Tall ? C’est bien cela ?
- Oui c’est exact
- Veuillez prendre place dis-je en lui indiquant le siège face à nous.
- Merci
- Bien, je suis Mme Ba, la directrice de cet établissement, et voici Mlle Alima Sarr et Soukeyna Diallo qui conduiront cet entretien dès qu’elles auront repris les leur esprits dis-je en leur lançant un regard noir. Et Voici Mr Ndiaye, le Directeur des Ressources Humaines.
L’entretien commença, j’en profitais pour prendre des notes, en plus d’être beau, il était intelligent. Il avait bien préparé son entretien, il connaissait l’entreprise, les produits commercialisés, le fonctionnement, nos objectifs, nos valeurs. Ce mec était parfait, un peu trop à mon goût.
- Je vois que vous avez un master en marketing stratégique, et une expérience significative dans ce domaine, pourquoi postuler à un emploi pour lequel vous êtes de toute évidence surqualifié ?
- Les réalités du marché du travail me poussent sont telles que je suis obligé de reconsidérer mes attentes en terme d’emploi, de plus votre entreprise est jeune innovante et reconnue au niveau international, je pense que l’intégrer même en tant qu’assistant de direction est une opportunité non négligeable.
- Bien, que pensez vous de notre dernière campagne publicitaire ? demandais-je
- Je pense qu’elle a été très efficace, cependant je pense qu’elle aurait pu être plus innovante ?
- Expliquez-vous
- Je pense que prendre Aminata Kane comme égérie de la marque a été une erreur, c’est un mannequin de renommée certes, mais on la voit partout, elle est associée à tous types de marques, notamment celle qui a contribué à la faire connaître. Cela peut brouiller le message à faire passer au consommateur, j’aurais plutôt suggéré de prendre un visage inconnu, jeune en phase avec votre marque.
- Hum, votre point de vue est intéressant, ce sera tout pour moi, je ne sais pas si les autres ont quelque chose à rajouter.
Ils répondirent par la négative, je l’invitais donc à se retirer. Il allait partir lorsque je lui lançais
- La prochaine fois pensez à mettre une cravate
- C’est noté dit-il
Il s’en suivit une réunion tout aussi ennuyante ou je ne manquais pas de dire à Soukeyna et Alima le fond de ma pensée sur leur comportement devant le bellâtre, et je pense que ca ne se reproduira plus.
Je rentrais chez moi exténuée. La maison était vide, enfin presque :
- Bonsoir Madame
- Bonsoir Fatou, la journée s’est bienpassée ?
- Oui madame, le repas est prêt, je vous attendais pour partir
- Très bien, tu as de quoi rentrer ?
- Oui, oui ne vous inquiétez pas.
- Très bien à demain
- A demain madame
Lorsque Fatou fut partie, je me retrouvais seule, comme d’habitude. Je regardais mon téléphone, aucun appel, aucun message. Rien n’allait plus, plus de communication, plus de complicité et surtout plus de sexe. Cela faisait presqu’un an , qu’il ne me regardait plus. Pourtant j’avais besoin de lui, besoin qu’il me regarde comme une femme belle et désirable. J’étais sure qu’il avait une maîtresse, une des petites étudiantes en jupe courte, en adoration devant un anthropologue talentueux. Aucun homme ne pouvait rester plus de trois semaines sans faire l’amour à moins d’être un saint ! Je décidais d’agir, après avoir pris une douche j’enfilais cette petite nuisette en soie noire qu’il aimait bien, je me maquillais légèrement et j’ondulais mes cheveux avec l’aide d’un fer à lisser. Les lumières étaient tamisées, j’avais sorti mon cd spécial « sex playlist », tout ce que je voulais ce soir c’était être aimée désirée, être une femme, sa femme.
Il était plus de 23heures et Abdel n’était toujours pas rentré, j’avais tenté de l’appeler lais je tombais toujours sur sa boîte vocale, ce qui avait le don de m’énerver. Je j’étais un coup d’œil sur l’horloge fixée en face de moi, 23heures 15 !
- Abdel, Abdel, pourquoi tu me fais ça ? Murmurais-je
J’allais aller me coucher lorsque j’entendis du bruit, la porte du séjour allait s’ouvrir. C’était lui, bon me dis-je , ton objectif c’est de passer une bonne soirée, donc pas de questions, ne le soule pas, soit gentille, belle et tais-toi !
- Bébé c’est toi ? demandais-je d’une voix suave
- Ah Soraya ! Qu’est-ce que tu fais encore debout ?
- Mais je t’attendais mon amour, attend je te débarrasse dis-je en lui enlevant sa veste, assieds-toi ! Tu veux boire quelque chose ?
- Merci , dit-il surpris, je veux bien un verre d’eau
- D’accord, je reviens tout de suite
Quelques secondes plus tard, je revenais avec un verre d’eau à la main, « ta journée s’est bien passée mon amour ? »
- Euh oui ! très bien, tu es sure que ca va Soraya ?
- Oui pourquoi ?
- Non, c’est juste que, non rien
Il semblait mal à l’aise, peut –être que j’en faisais trop, il vaut mieux trop que pas assez me dis-je ! je me rapprochais doucement d’Abdel, qui avait l’air de plus en plus surpris. Je l’embrassais dans le cou, je remontais doucement vers le lobe de son oreille, « tu me manques chéri » susurrais-je au creux de son oreille.
- Pas ce soir Soraya, je suis fatigué dit-il en me repoussant doucement.
Cela avait le don de me mettre hors de moi, je décidais tout de même de me calmer et d’insister
- Allez bébé, laisse toi aller dis-je en tentant de déboutonner sa chemise
- Sory n’insiste pas je suis exténuée, j’ai eu une journée harrassante et je…
- Mais bien sur ! tu es déjà passé chez elle, elle t’a épuisé c’est ça ? dis-je sentant la colère gronder
- Mais qu’est-ce que tu racontes Soraya, de quoi tu parles ?
- Arretes de faire l’innocent, Abdel, putin j’en ai marre, j’ai passé toute la soirée à me faire belle pour toi, et tout ce que tu trouve à me dire c’est que tu es fatigué !!
- Eh oui, ca arrive, je donne des cours, des conférences, j’ai des centaines de copies à corriger, des réunions
- C’est une de tes étudiantes, c’est ca ? Une vielle de 45 ans ça ne te suffit plus
- Attention à ce que tu dis Soraya, ma patience à des limites
- Et la mienne ? tu crois qu’elle n’a pas de limite, ca fait plus de 6 mois qu’on n’a pas fait l’amour, je suis une femme,TA FEMME, j’ai besoin que tu m’aimes, que tu me désires, tu es mon mari bordel de merde.
- Je n’ai pas envie de discuter de ça maintenant
- Il va bien falloir qu’on en parle, Abdel, qu’est-ce que tu veux ? Si tu veux divorcer, dis le moi
- Ok, je savais que je n’aurais pas du rentrer, ne m’attends pas je vais faire un tour !
Il tourna les talons et claqua la porte. Je me dirigeais lentement vers notre chambre à coucher, je m’allongeais en pleurs, me demandant comment la situation avait pu se dégrader à ce point.
Dernière édition par Abscisse BABISTO le 2011-03-15, 10:10, édité 1 fois (Raison : Titre)